En ce début d’année universitaire 25/26, Ali Ahmadi nous ouvre les portes de son bureau pour apprendre à mieux le connaître, revenir sur son parcours, sa vision de la communication et les valeurs qu’il aime transmettre au quotidien à ses étudiants.
Pour commencer, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis actuellement maître de conférences à l’Université Bordeaux Montaigne, au sein de l’UFR STC ; département ISIC, parcours communication des organisations, et rattaché au laboratoire MICA — Médias, Information, Communication, Art. J’enseigne en licence et en master des cours comme la communication organisationnelle et responsable, la communication de crise, l’écriture médiatique ou encore la veille et l’image.
Vous êtes donc déjà bien ancré dans cet univers. Qu’est-ce qui vous a motivé à rejoindre précisément l’Université Bordeaux Montaigne ?
Je suis à l’Université Bordeaux Montaigne parce que je la connais depuis plusieurs années et que j’y suis déjà très impliqué. J’étais membre du laboratoire MICA avant même d’y être recruté, et j’ai aussi enseigné à l’IUT Bordeaux Montaigne l’an dernier. C’est donc un environnement que je connais bien et que j’aime ; dans lequel je me sens à ma place. Il ne faut pas oublier non plus que c’est une université reconnue pour son enseignement et sa recherche en sciences humaines et sociales, notamment en communication des organisations. Il y a donc une cohérence entre mes domaines d’intérêt et d’expertise et les valeurs portées par cette université, en particulier.
On sent un vrai attachement à cette université. Mais, au quotidien, qu’est-ce qui vous passionne le plus dans votre métier ?
Ce qui me passionne le plus dans mon métier, c’est la communication elle-même, le fait d’observer, de comprendre et de transmettre la manière dont les gens interagissent, partagent des idées, construisent du sens. C’est un domaine vivant, en constante évolution, qui touche à la fois la société, les organisations, les médias, la culture et les relations humaines. J’aime beaucoup enseigner et faire de la recherche, parce que ça me permet de rester dans ce dialogue permanent entre théorie et pratique. Et ce que j’apprécie surtout, c’est d’accompagner les étudiants, de les voir s’ouvrir, progresser, et développer leur esprit critique. Travailler avec les étudiants a toujours été très intéressant pour moi. J’aime leur énergie, leurs questions et leur manière de voir le monde. Chaque échange est différent, et ça me pousse à rester curieux et à remettre mes propres idées en mouvement autant sur le plan intellectuel qu’humain.
Vous parlez beaucoup d’échanges, de liens… Alors justement, selon vous, pourquoi la communication est-elle si importante aujourd’hui ?
Justement parce qu’on vit dans une époque où, paradoxalement, on communique énormément, mais souvent sans vraiment se comprendre. Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui se caractérise par un degré de connectivité sans précédent. On dispose d’une multitude d’outils, de plateformes, de réseaux… et pourtant, le vrai dialogue devient de plus en plus rare. On est pris dans une société d’accélération, de flux permanents, où tout doit aller vite, se liker, se partager. Le temps de l’écoute, de la réflexion, de la nuance disparaît. Et c’est dans ce contexte qu’émerge ce qu’un philosophe italien appelle l’hypnocratie : un régime où notre attention collective est captée, saturée, presque hypnotisée par les images, les algorithmes et les discours simplifiés. Les organisations, dans ce cadre, ne peuvent plus se contenter de produire ou d’informer. Elles doivent dialoguer, expliquer, comprendre leur public — parce que la communication, aujourd’hui, c’est avant tout un espace de transparence et de relation. Aujourd’hui, l’IA facilite la communication, la production et la diffusion des messages, mais elle risque aussi de désincarner la parole, c’est à dire une communication sans présence, sans regard, sans compréhension. On interagit, mais souvent sans se rencontrer. C’est pour ça que je crois profondément que la vraie vie est dans la communication réelle, celle qui recrée du lien, du sens et de la confiance- bref, de l’humain- dans un monde de plus en plus technologique et fragmenté.
Une vision optimiste. Et si on se projette un peu, comment imaginez-vous la communication de demain ?
C’est difficile de prédire ce que sera précisément la communication de demain, tellement tout évolue vite. Mais je peux dire que nous sommes déjà dans la communication de demain et une chose est sûre : elle sera plus hybride, plus réflexive et surtout plus responsable. Les technologies, notamment l’intelligence artificielle, vont transformer en profondeur nos façons de communiquer, de produire et de diffuser les messages. On entre dans un monde où chacun aura un contrôle inédit sur la manière, le moment et la forme de ses échanges. Le vrai défi, ce sera d’utiliser ces outils avec discernement, pour approfondir les liens humains au lieu de les affaiblir. Parce que le but, ce n’est pas de remplacer l’interaction humaine, mais d’en élargir les possibilités. Et malgré toutes ces innovations, la valeur essentielle restera humaine : la pensée critique, l’éthique, la capacité à donner du sens. Aujourd’hui, avec l’abondance d’informations et une certaine forme de désordre informationnel, nous faisons face à un espace public fragmenté, largement influencé par les algorithmes. Dans ce contexte, la désinformation devient de plus en plus visible, plus rapide et plus virale. C’est pourquoi la communication de demain devra être plus responsable, en tenant compte des enjeux sociaux et environnementaux, de la transparence, et en développant une véritable culture de la vérification et du fact-checking. Cette vigilance doit devenir un réflexe collectif, partagé aussi bien par les citoyens que par les professionnels. Bien sûr, l’intelligence artificielle pourra nous aider, mais elle ne remplacera jamais la vigilance humaine ni la responsabilité éthique. Et paradoxalement, plus nous serons connectés, plus nous aurons besoin de ralentir : de revenir à la qualité plutôt qu’à la quantité, à la vérité plutôt qu’à la viralité, et surtout à l’humain plutôt qu’à la performance. Conjuguer innovation et responsabilité, c’est, à mon avis, ce qui définira véritablement la communication de demain.
Très intéressant. Pour revenir au métier lui-même : selon vous, quelles sont les compétences essentielles d’un bon professionnel de la communication ?
Vous me demandez trois compétences essentielles, mais je préfère en citer quatre, qu’on appelle souvent en anglais les « 4 C » — quatre compétences indispensables aujourd’hui. D’abord, le critical thinking, la pensée critique, c’est savoir réfléchir, analyser une situation et poser les bonnes questions avant d’agir ou de communiquer. Ensuite, la créativité : être capable d’imaginer, d’innover, de proposer des idées nouvelles. La communication, bien sûr : savoir s’exprimer clairement, écouter les autres et adapter son message à différents publics. Et enfin, la collaboration, c’est-à-dire savoir travailler en équipe, partager, construire ensemble un projet. Ces quatre compétences — penser, créer, communiquer et collaborer — que nous essayons de développer dans le Master Communication des Organisations, sont essentielles non seulement pour les métiers de la communication, mais aussi pour réussir en général dans le monde professionnel d’aujourd’hui.
Pour conclure, quel message aimeriez-vous adresser aux étudiants qui nous lisent justement ?
Avant tout, faites ce que vous aimez et n’ayez pas peur.
Prenez le temps de comprendre ce que vous faites, pourquoi vous le faites et ce que ça vous apporte. Lisez, observez, questionnez, doutez — soyez curieux du monde. L’université est une étape : elle ne vous apprendra pas tout, mais elle peut vous montrer un chemin. Et souvenez-vous : la communication, ce n’est pas seulement des outils ou des messages, c’est une manière d’agir sur le monde et de relier les gens. Ici, au Master Communication des Organisations, on est là pour vous accompagner.
Propos recueillis par Nicolas Montaigne
(M1 ; Promo 2027)